dimanche 15 février 2015

Dis Karo, comment tu fais ?

On m'a récemment demandé de montrer comment je crée mes bijoux en bronze ... (Bande de curieux ! )


Pour être claire, il va donc falloir aligner plus de trois mots, et ceux qui suivent mon blog savent bien que ce n'est pas dans mes habitudes. (Une croute, des dimensions et basta ! bah oui, c'est tellement plus simple)(La couardise vient certainement s'ajouter à la raison de la simplicité, mais on ne va pas s'étendre là dessus hein ...)

Il me semble que la meilleure façon d’être comprise est de vous montrer les étapes de la réalisation d'une pièce de métal en particulier. Alors bien entendu, je ne procède pas toujours de la même façon, certaines étapes peuvent se révéler inutiles pour d'autres pièces.

J'utilise de la pâte de bronze, qui se travaille un peu comme de l'argile. Tout comme elle, il faudra ensuite la cuire.

Il existe certainement une multitude de façons de faire, voici la mienne ...


Création d'un prototype :



Pour ce bijou j'ai besoin de créer un prototype qui me servira de base pour travailler la pâte de métal plus rapidement ensuite.

Tout commence avec un morceau de pâte polymère (mais finalement ça pourrait très bien être de la cire), que je travaille comme de la pâte à modeler.





Ça peut prendre un certain temps ....
Plein de surprises, des moches, des chouettes, et tous les coups sont permis du moment que l'on obtient le résultat souhaité.








Je dois avouer que celui-ci m'a donné pas mal de fil à retordre. Hum ... 3 pour être précise.
Ceci n'est pas une "mimic octopus", il s'agit seulement d'un futur nœud.





Cthulhu, si tu voulais bien sortir de ma pâte polymère (et de ma tête), ça m'arrangerait.




...




 

...

 
"Grouuuiiiiik" -_-









Voilà, le nœud en pâte polymère est achevé (moi aussi), il suffit maintenant de le cuire à 110° pendant 30 minutes pour le rendre solide.

Travailler sur du papier sulfurisé évite bien des déboires : ça colle moins et on peu déplacer l'objet sans le déformer.
... et c'est prévu pour aller au four ! :) Magiiiie !




A ce stade, on peut déjà réfléchir à la suite : comment réaliser un moule recto verso dudit nœud.
Je l'appelle "nœud" pour faire court, mais il s'agit en fait d'un symbole nordique.

A chacun sa façon de réfléchir hein ... 






Réalisation d'un moule :





Pour faire le moulage du coté face, j'ai utilisé de la pâte Oyumaru. C'est une sorte de matière plastique que l'on trempe dans l'eau bouillante : elle devient molle et s'accapare les motifs et les textures de tout ce qu'elle touche. Elle durcit à nouveau en refroidissant.

Sur les cotés, ce sont des perles de rocaille qui devaient servir à faire des marques pour caler les deux moules bien en face par la suite ... Ça s'est révélé inutile. (no comment)
Admirez plutôt les magnifiques empreintes de doigts !





C'est idiot, mais pour l'autre face, on ne peut pas utiliser la même pâte.
Si on utilise de l'Oyumaru contre de l'Oyumaru ... et bien ça colle ! (même si la première partie est refroidie et solide)

J'ai donc utilisé de la pâte Siligum pour faire le dessous (tant pis pour la transparence et la visibilité).






Voilà, quand tout est pris, il suffit de retirer le prototype (on le remercie chaleureusement d'avoir bien voulu s'y coller).

On n'oublie pas non plus de créer des repères d'une façon ou d'une autre pour bien reposer les moules en face plus tard.









Fabrication de la pâte :









C'est pas compliqué : on met la bonne quantité de poudre, la bonne quantité d'eau et on mélange intimement - c'est à dire comme un bourrin. Bah oui !










Finalement c'est pas si simple, il faut tâtonner ensuite pour obtenir la bonne consistance.
Et on ne souhaite pas toujours la même consistance, selon l'objet à réaliser.












Quand il n'y a plus rien qui colle au mortier c'est déjà pas si mal, on est sur la bonne voie !












Moulage de la pâte de métal :





Pas la peine de vous faire un dessin hein .... (ah si).
On met une boulette de pâte de métal entre les deux faces du moule et on serre très fort.

Il faut aussi lubrifier le moule -- avec de l'huile d'olive par exemple -- pour ne pas que la pâte adhère.






On obtient quelque chose de grossier -- disons avec des moustaches.




(notez que je n'ai rien contre les moustachus).







Une fois sec -- c'est à dire 24heures plus tard, on peut affiner l'objet en le limant.


J'ai aussi réalisé deux petites boucles à mettre sur les cotés.
Pour les souder au reste, il suffit de remouiller les surfaces à mettre en contact.
... et d'attendre que ça sèche à nouveau (Pffffff) -_-






La cuisson :


Bon et bien il suffit de mettre le machin dans le four, d'appuyer sur le bouton et c'est cuiiiiiiiiiiiiit !  et tu sais comment je saaaaiiiiis ? Je sais parce-que je suis un ..... hahum pardon, je m'égare.




On positionne le magnifique nœud  sur un lit de charbon, on recouvre d'une autre couche de charbon, et on installe le tout dans le four.

Il existe plusieurs sortes de pâtes de métal et elles ne cuisent pas toutes de la même façon. Certaines demandent deux cuissons (un déliantage et une cuisson vraie), d'autres une seule (tout se fait en même temps -- ou presque)












Il s'agit ici d'un four uniquement composé de plaques de fibres thermiques et d'une résistance circulaire. (pourquoi faire compliqué ?)









 


Il est petit mais il chauffe tout de même à 950°C, je suis contente de ne pas être dedans.

Pour la pâte de bronze, nous n'avons besoin "que" de 850°C.








 

Bon et bien voilà, il ne reste plus qu'à prier pour que la cuisson se passe bien et qu'elle n'anéantisse pas ces heures de boulot.



A chacun sa façon de prier hein ...







Après avoir attendu le bon temps de cuisson, entre 30 et 50 minutes (je ne détaille pas parce-que ça dépend de beaucoup de paramètres), on laisse refroidir à four fermé pendant environ 15 minutes. De toute façon, l'incandescence observée par le trou de cheminée ne donne pas trop envie d'ouvrir avant ...

Et là, tadaaaaa ! on ouvre ! my god ! c'est encore rouge !
On extrait la coupelle avec des pinces (et des gants anti-chaleur -- j'avoue ne pas en avoir, je ne possède que des moufles de cuisine, ce qui, comme on peut s'en douter, n'est pas des plus pratique -- donc je fais sans)







Hum ....


Non, j'vous jure, j'ai pas mis les moufles pourtant ..... comprends pas ....
Enfin la coupelle n'a pas atteint sa destination ... ^^












Le voilà de près une fois cuit.
Il va falloir le débarrasser de sa couche de carbone à l'aide d'une brosse métallique :)















Recto-verso après brossage.

On peut également polir le métal pour le rendre brillant et/ou mettre de la patine à certains endroits.











Voilà au bout du compte notre amulette de métal prête à être montée sur le cordon de notre choix pour un joli petit bracelet :)




Vous pourrez voir le résultat final sur ma page FaceBook quand il sera terminé :)



En bonus : un aperçu de mon terrain de jeu ... Parce-qu'à la vue de mes petits dessins, vous allez imaginer que je vis dans une grotte !



Prochain article : comment couler un bronze ! (hum, pardon, je dis de la merde, il est temps d’arrêter)

6 commentaires:

Florent Lenhardt a dit…

Aah ! Je suis content d'avoir obtenu gain de cause ! ^^ Merci pour ces explications, on ne se doute pas forcément de toutes les étapes en voyant le produit fini. Et surtout le four quoi... j'avais vu des fours à poteries et je m'imaginais quelque chose de similaire, mais non ! Là c'est épique avec la lueur de la cuisson et le rougeoiement du charbon à la fin, ça doit te faire sentir comme une forgeronne (sans compter Wardruna en musique de fond, excellent choix).

Par ailleurs j'aime beaucoup le ton et les références de l'article, tu devrais en faire plus souvent ;)

Karo a dit…

Héhé ! Merci Florent ! <3
J'adorerais, un jour, avoir l'occasion de faire un stage chez un forgeron ! (aussi chez un tailleur de pierre et chez un travailleur du cuir ... ça commence à faire beaucoup). En attendant, et à défaut de véritable atelier, j'ai trouvé un compromis :D

Pour les articles, je vais avoir besoin d'entrainement ! J'ai sué sang et eau pour pondre celui-ci :D Hihi ;)

fannoche a dit…

Un forgeron, un tailleur de pierre, un travailleur de cuir, apprendre à se servir d'un tour à céramique, et puis aussi d'un tour à bois etc..
plein de choses donnent envie..!!

Karo a dit…

Oué Fannoche !
Hey, dis donc ... heureusement qu'on a des doigts ! o0
Haaargh, je viens d'imaginer à l'instant un monde sans doigts et sans livres ! (C'est ptet' ça l'enfer ...)

Florent Lenhardt a dit…

L'enfer c'est justement un monde avec plein de super livres aux pages très fines, genre la Bibliothèque de la Pléiade... mais pas de doigts !

Karo a dit…

Ah oui, aussi ! :D
Tu pourrais écrire une nouvelle bien angoissante avec ça ... ;)